
Le 20 février 2024, après un contrat de 15 ans, la métropole acte la fin du service de vélos en libre-service Vélo Bleu présent à Nice, Saint-Laurent-du-Var et Cagnes-sur-Mer. Ce service, délégué à l'entreprise Véloway, consistait en des vélos bleus répartis dans 175 stations disséminées sur le territoire des trois communes, aux tarifs d'utilisation fixés par la métropole. Il a été remplacé par les flottes "free-floating" (comprendre : sans borne de stationnement) de vélos Pony et Lime.
Sur le papier, ça sonnait bien : 2000 vélos neufs, dont 90 % électriques, au lieu des 1600 vélos mécaniques en bout de course dont le modèle datait de 2009. De quoi permettre aux niçois de tous âges de se rendre facilement sur les collines, et ce sans rien coûter aux contribuables puisque le service est entièrement laissé aux soins de Pony et Lime, tout comme la tarification. Deux entreprises, afin de faire jouer la concurrence et (en théorie) faire baisser les prix.
Gaël Nofri, président de la régie Lignes d'Azur, adjoint au maire et conseiller à la métropole de Nice, explique qu'on profite de la fin du contrat de 15 ans des vélos bleus pour en tirer les leçons et adapter l'offre ; la conclusion naturelle étant la suppression des vélos bleus qui ne pouvaient être financés que par subvention. "Il est important que ce soit l'usager qui paye [...] c'est un marché privé." Il faut dire que chaque année, l'ancien service coûtait 3,8 millions d'euros à la métropole - correspondant, pour l'ordre de grandeur, à environ 7 euros par habitant.
L'échec
Un an après le retrait des stations classiques au profit des nouveaux acteurs, le constat de l'échec est sans appel. Malgré une flotte bien plus moderne et pratique que les anciens et très lourds vélos bleus, les usagers ne sont pas au rendez-vous. L'argument d'appareils électriques garantissant un usage pour toutes les générations tombe à l'eau dès que l'on fait un tant soit peu attention à l'âge des quelques cyclistes Pony ou Lime. Le nombre d'usagers, et c'est le moins que l'on puisse dire, ne semble pas avoir augmenté. La faute à une tarification exorbitante.
L'abonnement régulier à ces services coûte plus cher que l'abonnement à tout le réseau Ligne d'Azur (360€ annuel, soit 30€ par mois, sans compter le remboursement d'une partie du titre par l'employeur ou les divers tarifs réduits) ! Autant dire que cette nouvelle flotte est taillée soit pour les touristes, soit pour les utilisateurs ponctuels ; et certainement pas pour les usagers réguliers.
Bénéfices
Les vélos en libre service permettent à l'usager de s'affranchir de trois contraintes principales :
- L'entretien (délégué au gestionnaire),
- Le vol (plus besoin de protéger son vélo),
- Le stationnement (plus besoin de chercher où garer son vélo),
Remarquons que l'élimination de cette dernière contrainte permet de s'affranchir de la prévision des trajets : on peut ne faire que l'aller à vélo, et le retour à pied ou par tout autre moyen de transport. Flexible !
En éliminant ces trois contraintes, sous réserve d'un prix raisonnable, les vélos en libre-service permettent un report modal de conducteurs ou utilisateurs transports en commun vers le vélo de la part d'usagers qui n'utilisent pas de vélos à cause des contraintes sus-citées. Or chacun sait que la circulation est un enfer dans la cinquième ville de France. Les lignes centrales de la ville (les lignes 1 et 2 de tramways) sont saturées en heures de pointe. L'arrivée des nouveaux bus sur les lignes 8+ et 12+, qui n'ont de haut niveau de service que le nom, n'a pas suffi à décongestionner les principaux transports en commun de la ville. Finalement, le principal intérêt des vélos en libre-service est d'épauler les services de transport déjà existants, à moindre coût.
Par ailleurs, il se trouve que la circulation motorisée (particulièrement en ville) a des conséquences dramatiques, notamment à cause de la pollution aux particules fines. Rappelons qu'en France, 75% des trajets en voiture font moins de 3km, distance largement couvrable en vélo. C'est donc une solution pratique, économique , demandant peu d'infrastructure - les pistes cyclables existent déjà - écologique , bonne pour la santé, qui permet des économies d'échelle. Comme pour les transports en communs classiques, il n'y a rien de choquant à ce que le service fonctionne en partie grâce à des subventions.
Comparaison avec les flottes dites Free-floating
Les flottes "free-floating" ne forment pas le coeur du problème. Nous regrettons avant tout l'absence de maîtrise de la tarification lorsque le service n'est pas géré de près ou de loin par la métropole. Notons néanmoins que le fonctionnement actuel nécessite l'utilisation d'une application, et donc d'un téléphone portable moderne, à contre-courant de la mission intergénérationnelle fixée par M. Nofri. Là où, par exemple, une carte d'abonnement Ligne d'Azur pourrait suffire.Chez les autres
Dans les plus grandes villes de France, les vélos en libre-service ont le vent en poupe, comme à Paris, Lyon, Toulouse, Strasbourg, Lille, Montpellier, Dijon... Les prix sont beaucoup plus abordables.On a du mal à croire que toutes ces villes se trompent alors que Nice aurait trouvé une solution miracle sans subvention. Les particularités niçoises (population plus âgée et relief relativement important) peuvent être prises en compte en incluant un pourcentage important de véhicules électriques dans la flotte.
Fort de l'expérience de l'échec d'une flotte de vélos "free-floating" indépendante de la métropole, il est de bon sens de rétablir un service de Vélos Bleus moderne pour améliorer les déplacements des habitants.
Vous pouvez signer la pétition ici.
Pour aller plus loin
- Les vélos en freefloating : quels impacts sur les mobilités actives ? Billet de l'ADEME, Février 2019.
- Étude d'évaluation sur les services vélos, Septembre 2016.
Sources
- En été, le réseau "vélo bleu" a le blues sur la Côte d'Azur. Article France Info du 14 Juillet 2018.
- Liste des systèmes de vélos en libre-service en France, Wikipédia. Consulté le 18 Février 2025.
- "Il est important que ce soit l'usager qui paye", France Bleu, Interview du 23 Janvier 2024.
- "Avec la fin de Vélobleu", la location de vélos en libre-service plus chère : la mairie de Nice s'explique", Nice Presse, 20 Février 2024.